Ça s’appelle une fausse couche

Un mot qui reflète si peu la réalité

Qu’il en devient suspect

 

Il n’y avait rien de faux dans ce que j’ai vécu

Ni la douleur du corps

Ni la douleur du cœur

 

Et le fond de la question

N’était pas un accouchement

Mais un enfant

 

Certes il n’a vécu que dans mon ventre

Est-ce une raison suffisante

Pour lui renier toute existence ?

 

Et le réduire à

Une fausse couche…

 

Un mot archaïque

Vestige d’un devoir conjugal

Où la femme se devait de porter un héritier mâle

 

Un mot qui m’accuse poliment

D’avoir fait semblant de porter un enfant

Un mot qui insinue à tort

Que c’est un peu de ma faute s’il est mort

 

Un mot hygiénique

Qui réduit ma souffrance

À un petit tracas féminin

 

Un mot qui m’exclut du monde

En jetant l’anathème sur ce que j’ai vécu

Un mot qui m’isole de l’homme que j’aime

En lui interdisant d’avoir de la peine

 

Ça s’appelle une fausse couche

Ça arrive à une femme sur quatre

Et personne n’en parle

 

Il est des mots qui sont les ailes

Qui viennent se poser sur la douleur

Pour l’aider à s’envoler

 

Il est des mots qui sont des poignards

Qui viennent s’enfoncer dans les blessures

Et les empêche de cicatriser

 

Ces maux-là, il est peut-être temps d’en changer.