Grand père silence
Tu avais les yeux bleus
Aussi bleu que les yeux de mon fils
Tu étais mon grand-père
Et tout ce que je sais de toi
Ce sont des silences partagés
Des croutes de pain qui craquent
Du sirop à la menthe
Le soleil brulant dans la poussière
La pluie fine sur la vigne
Tu ne disais jamais rien
Et lorsque tu parlais
Tu en disais encore moins
J’ai toujours cru que c’était ce que tu étais
Un homme à côté duquel on peut vivre
Sans jamais rien connaitre de lui
Un homme à côté duquel on peut vivre
Mais qui ne vit avec personne
Aujourd’hui
J’entends parfois parler de cette guerre
Cette guerre qui ne disait pas son nom
Cette guerre que tu as dû faire
Je me demande
Si ce n’était pas les cris et les coups de là-bas
Qui t’empêchaient d’entendre nos voix
Je me demande
Si ce n’était pas le roulement de lointaines explosions
Qui bloquait ton rire dans ta gorge
Je me demande
Si ces tâches brunes qui rampaient sur ta peau de vieillard
N’étaient pas des empreintes de ce désert brulant
Que s’est-il passé là-bas ?
Qu’as-tu vu ? Qu’as-tu fait ?
Je ne suis pas sure de vouloir le savoir
Je préfère continuer à croire
Que tu étais comme ça
Que ce n’était que le temps
Que la vie
Mais je ne peux pas oublier
Que j’avais un grand-père
Qui ne disait jamais rien
Et qui avait les yeux aussi bleus que ceux de mon fils
le 25 mars 2021