Ça s’appelle une fausse couche
Ça s’appelle une fausse couche
Un mot qui reflète si peu la réalité
Qu’il en devient suspect
Il n’y avait rien de faux dans ce que j’ai vécu
Ni la douleur du corps
Ni la douleur du cœur
Et le fond de la question
N’était pas un accouchement
Mais un enfant
Certes il n’a vécu que dans mon ventre
Est-ce une raison suffisante
Pour lui renier toute existence ?
Et le réduire à
Une fausse couche…
Un mot archaïque
Vestige d’un devoir conjugal
Où la femme se devait de porter un héritier mâle
Un mot qui m’accuse poliment
D’avoir fait semblant de porter un enfant
Un mot qui insinue à tort
Que c’est un peu de ma faute s’il est mort
Un mot hygiénique
Qui réduit ma souffrance
À un petit tracas féminin
Un mot qui m’exclut du monde
En jetant l’anathème sur ce que j’ai vécu
Un mot qui m’isole de l’homme que j’aime
En lui interdisant d’avoir de la peine
Ça s’appelle une fausse couche
Ça arrive à une femme sur quatre
Et personne n’en parle
Il est des mots qui sont les ailes
Qui viennent se poser sur la douleur
Pour l’aider à s’envoler
Il est des mots qui sont des poignards
Qui viennent s’enfoncer dans les blessures
Et les empêche de cicatriser
Ces maux-là, il est peut-être temps d’en changer.
le 1 novembre 2021